L'Union Européenne donne des leçons à la Hongrie - Janvier 2011



Quand une petite histoire en cache une autre...





Nous ne sommes que le 5 janvier, et l'année 2011 commence déjà par un de ces scandales d'opérette dont la commission européenne nous régale régulièrement. Aujourd'hui, c'est décidé: Le pouvoir hongrois n'est plus politiquement correct et ne mérite pas la faveur que l'Union Européenne lui accorde pour six mois. Cette faveur, c'est la "présidence tournante" de l'Union accordée successivement à chacun des Etats membres. Remarquons que ce rôle est en réalité plus une formalité qu'un réel pouvoir. En effet tout le monde sait que ce n'est pas parce-qu'un membre de l'Union est à la présidence qu'il pourra imposer pendant six mois, par sa seule volonté, quelque changement que ce soit. C'est d'ailleurs logique, sinon on assisterait à de perpétuels bouleversements tous les six mois. Je ne veux d'ailleurs pas débattre du bien fondé ni de l'inutilité de cette pratique. Elle n'est pas un problème en soi. L'essentiel, c'est que la Hongrie présidente de l'UE ne fait donc peur à personne, comme le montre cette déclaration d'Olivier Bailly, porte parole de la commission: "S'il y a infraction au droit communautaire, la Commission ouvrira une procédure (contre la Hongrie) et le fait que la Hongrie préside l'Union européenne n'aura aucune incidence".

Mais quel est l'objet de cette soudaine opprobre qui s'abat sur la Hongrie et son gouvernement ? Tout lecteur ne découvrant l'histoire qu'aujourd'hui, dans des articles très récents, n'aura accès qu'à des informations sommaires et laissant croire que le prétendu problème justifiant les reproches ne date que de quelques jours. Il y découvrira que le gouvernement hongrois est en train de mettre en place une loi jugée dangereuse pour la liberté de la presse. Je pense qu'il est nécessaire d'expliquer plus en détails ce premier point, avant d'aborder la vraie cause de la dispute. Premièrement, la mise en application de la loi a commencé en septembre dernier, sans inquiéter aucune instance officielle. Deuxièmement, ses points essentiels considérés comme condamnables sont les suivants:

1) Législation qui restructure la supervision des médias publics de Hongrie et crée une nouvelle Autorité nationale des médias et des communications (ANMC) chargée de superviser tous les genres de médias.

   En France, cela s'est appelé la Haute Autorité de l'audiovisuel (dans les années 80), puis le CSA jusqu'à aujourd'hui. Qui a porté plainte?

2) Loi qui permet de contraindre les journalistes de divulguer leurs sources confidentielles dans les affaires impliquant des questions sécurité nationale.

   N'importe quel gouvernement du Monde appliquerait des mesures dans une telle situation. Si le délit potentiel ne relève pas d'une loi spécifique sur la presse, il entrera de toute façon dans le champ d'une autre loi encore plus sévère. (Atteinte à la sûreté de l'Etat, divulgations de secrets d'Etat, dissimulation d'informations permettant d'éviter un attentat, etc...)

3) Constitution des médias, récemment adoptée, en vertu de laquelle les médias ne peuvent offenser une série d'entités, dont les majorités et les minorités, les nations, etc...

   Nous avons en France un nombre incalculable d'organismes de contrôle charger de veiller au contenu de toutes les publications et déclarations pouvant avoir un caractère offensant pour des groupes ethniques, religieux, sociaux, ou autres. Tout acte de calomnie ou de révisionnisme est passible de lourdes peines. N'est-ce plus normal? Faudrait-il qu'il en soit autrement en Hongrie?

4) En conséquence, le contrôle des médias (par l'ANMC) est confié exclusivement à des proches du Premier ministre hongrois Viktor Orban.

   Certes, c'est une situation douteuse... qui me rappelle l'époque Mitterand avec Michèle Cotta à la tête de la Haute Autorité! Ca continue aujourd'hui, d'une manière moins subtile mais pas plus efficace, avec la nomination et le limogeage des directeurs des chaînes de télévision publiques par le chef de l'Etat. Pourtant les journalistes ne font pas tant de bonne publicité pour le gouvernement actuel, même si cela m'est indifférent en soi.

Après tout cela, l'Union Européenne est-elle venue à notre aide? Pauvres de nous!

Mais pourquoi un bon nombre d'Etats membres, dont la France, se sont-ils subitement réveillés contre la Hongrie? Jusqu'alors on avait pu entendre en 2010 le ministre délégué aux affaires européennes, Laurent Wauquiez, déclarer: "La France n'a pas à intervenir sur la question de la réforme des médias en Hongrie". Et tout à coup, comme par magie, le scandale explose. Pour trouver des explications à cet évènement tout chaud, il faut remonter cette fois seulement quelques jours en arrière, comme par exemple dans les articles en ligne sur le site de RFI, pourtant peu repris par les médias audiovisuels: La Hongrie a été surprise en flagrant délit de protectionnisme.

Le 2 janvier on pouvait lire dans l'article du jour sur ce sujet: "13 grands groupes industriels européens ont appelé la Commission européenne à prendre des sanctions envers ce pays. C'est le quotidien allemand Die Welt qui révèle l'affaire dans son édition en ligne du dimanche 2 janvier 2011. Dans une lettre de cinq pages adressée au président de la Commission, les industriels s'emportent contre des mesures "anti-compétitives" mises en place par le gouvernement hongrois... Ils demandent donc, dans une lettre adressée au président Barroso, que la Commission européenne fasse pression sur Budapest pour que le gouvernement hongrois renonce à ces dispositions".

L'Union Européenne, mère des nations, pardonne toutes les erreurs. Par exemple elle pardonne les faillites et les sur-endettements déraisonnables dans la zone Euro qui pèseront sur tous ses citoyens et engendreront ensuite des mesures d'austérité drastiques, mais elle ne pardonne pas le protectionnisme, cette honteuse révélation de la volonté d'un Etat de protéger son activité économique ! La Hongrie vient de sortir d'une grave récession sans mendier le renflouement de ses dettes ni sacrifier sa population par des meures d'austérité démesurées. Sa non-adhésion à la zone Euro a peut-être facilité la situation. Mais quoiqu'il en soit, cette méthode est complètement contraire aux principes couramment admis. Elle fait même peur à bon nombre d'ultra-libéralistes. On pouvait lire, toujours sur RFI, le premier janvier: "Si ses expérimentations économiques face à la crise donnent de bons résultats, la Hongrie sera peut-être considérée comme un laboratoire par d'autres pays en proie aux difficultés. Orban a décidé de taxer les banques et les grandes corporations. Plusieurs gouvernements européens en rêvent, mais n'osent pas le faire. Mais si la méthode hongroise fait ses preuves, elle pourrait devenir un exemple très contagieux".

Ainsi, en quelques jours, Viktor Orban, initialement classifié en tant que premier ministre de "Centre Droit", est aujourd'hui qualifié de populiste et d'autoritaire par tous les bien pensants disciplinés de l'Union. La situation est ainsi résumée: "Les autorités de Budapest n'ont pas cédé, malgré le tollé en Europe."

Mais enfin vient cette occasion de se payer une bonne tranche de rigolade, en découvrant que les instances de l'Union Européenne fonctionnent comme toutes les administrations et les grandes entreprises privées de notre temps:

"Cécilia Malmström, commissaire européen aux Affaires intérieures, estime que cela relève plutôt de sa collègue Viviane Reding, chargée de la citoyenneté. Madame Reding qu'on a connue plus incisive sur la question des Roms, soutient que c'est à leur collègue responsable des technologies numériques, Nelly Cruse de s'en préoccuper. Et de fait, celle-ci a saisi les autorités hongroises qui lui ont répondu qu'on ne manquerait pas de lui faire parvenir un exemplaire de la loi, une fois qu'une traduction en serait faite. Madame Cruse n'a pas fait valoir qu'elle avait à sa disposition des services linguistiques qui auraient pu rapidement s'en charger et de toute façon ses compétences ne s'étendent pas au delà des médias audiovisuels".

On peut donc avoir confiance en notre avenir, voyant à quel point le moindre problème insignifiant sème la confusion dans cette histoire du lancer de "patate chaude"... Amis européens, dormez bien, amis hongrois, ne vous en faites pas !




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